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xxpower
27 février 2007

xx power 1

Un attroupement s'était formé autour d'une brouette. Bientôt les bruits cessèrent et le groupe s'enfla de tous ceux qui avaient saisi le changement d'atmosphère. Seuls les gamins de l'école faisaient entendre leur syllabaire ânonné. La brouette était celle de François Diouf, il avait trouvé un nouveau cochon mort.  C'était le onzième en trois jours.

François Diouf se dirigeait vers l'endroit sous le vent où pourrissaient les dix premières carcasses auxquelles s'attaquait avidement une nuée de charognards. Le vétérinaire avait été prévenu, mais on ne l'avait pas vu. Le cortège suivait presque en silence ces funérailles inhabituelles. On jeta le porc aux busards, et la troupe désabusée revint sous les arbres de la place pour la palabre.

-     Un avant-hier, quatre hier, six aujourd’hui !

-     François, à M’bour on m’a parlé de deux cochons qui seraient morts ce matin.

-     Je n’ai jamais vu ça. Les nôtres n’avaient même pas l’air malade.

-     Et le vétérinaire ?

-     Je l’ai appelé hier deux fois, et trois fois aujourd’hui. Sa femme dit qu’il est en brousse.

-     Eh ! C’est comme ça. On verra bien.

Un fax fut adressé au ministère de l'Agriculture à Dakar, daté à Fadiouth le 16 juillet 2001, et signé par François Diouf, chef de village. Ce document marquait le début d'une ère nouvelle dans l'histoire de l'humanité.

Au cours des jours qui suivirent verrats et porcelets mâles continuaient de mourir, les truies restaient insensibles à l'épizootie. Les chasseurs rapportèrent bientôt que la maladie s'étendait aux phacochères, dont les laies semblaient également épargnées.

Avant la fin du mois de juillet une odeur pestilente couvrait la région du Sine Saloum. Les charognards ne suffisaient pas à l'élimination des cadavres porcins.

Le premier lundi du mois d'août, sous les grosses gouttes d'une pluie d'hivernage, Claire Alliot arriva peu avant midi devant le relais du cercle à M'Bour. On lui avait réservé une chambre sans limitation dans le temps. L'IRD ancien Office de Recherche Scientifique et Technique Outre Mer, qui l'employait en tant que chercheur épidémiologiste, l'avait détachée auprès de la FAO qui souhaitait utiliser ses compétences afin que les mesures sanitaires qui s'imposaient soient prises de toute urgence. Le gouvernement du Sénégal avait promis la coopération pleine et entière des autorités régionales et locales. Tout le monde continuait d’appeler ORSTOM cet Institut Français de Recherche pour le Développement en Coopération, les trois lettres IRD n’avaient pas la même patine.

Claire se trouvait pour la première fois, à vingt-six ans, à la tête d'une mission opérationnelle. Elle coupa le moteur du Toyota 4x4 et sauta en direction de l'entrée du bar en cherchant à éviter les flaques. Il avait suffi de quelques secondes pour qu'elle soit néanmoins trempée jusqu’aux os lorsqu’elle parvint à la porte.

Le Relais du Cercle devait son nom à une époque révolue où les colons se retrouvaient entre eux, au "Cercle", petite élite d'un territoire sans gloire et sans prestige, tirant sa gloire d'y être admis, et son prestige de sa couleur de peau.

Depuis longtemps déjà, noirs et blancs s'y côtoyaient autour d'un pastis ou dans la salle de restaurant.

Elle étreignit les jambes trempées de son jean et tordit ce qu’elle pouvait saisir de son T. shirt pour en faire sortir l'eau.  Quand elle ramena ses cheveux dans son poing, on aurait dit qu’elle finissait de se rincer après un shampooing. Elle continua de s'ébrouer tout en marchant vers le bar. On la regardait, la jaugeait, mais elle ne regardait personne et riait toute seule de cette douche involontaire.

-       Monsieur Collura ?

-       Oui

-       Claire Alliot.

-       Ah ! Vous venez pour les cochons. Samba, va chercher les bagages pour la quatre.

-       Malik Diop est-il arrivé ?

-       Le type de Kaolak ? Non.

-       Je l'attendrai pour déjeuner, je vais me changer. Faites- moi prévenir quand il sera là, s'il vous plait.

Les hommes assis autour des tables ne pouvaient s’empêcher de scruter les détails de son anatomie sous le T-shirt mouillé. Certains se taisaient, d'autres pouffaient ou parlaient fort. Claire ne s'en occupait pas, souriant toujours de cette douche involontaire en se dirigeant vers le couloir des chambres, insouciante, assurée, enthousiaste. Si elle avait été actrice, on aurait dit d'elle qu'elle crevait l'écran. Il n'y avait rien d'ostentatoire ni de recherché dans son attitude, rien d'autre qu'une magnifique "présence".

-       Eh Collura !

C'était le chef de chantier de la société routière qui interpellait le patron.

-       Quoi ?

-       Tu me la réserves celle là, hein ! T’y touches pas.

-       Prétentiard, tu peux toujours rêver, elle est pas pour nous cette nana, lui faudra des plus grands boroms.

-       Tu paries ? Je m'en suis fait  des plus canons. Tu paries ?

-       Je parie quoi ?

-       Que cette fille est pour moi avant quinze jours.

-       Tout ce que tu veux.

-       Ton bateau.

Collura se renfrogna, puis faisant claquer sa main sur le comptoir en manière de "tope là" dit :

-       D'accord.

Son bateau, c'était quelque chose, avec une cabine et deux moteurs de cent cinquante chevaux. Mais il n'avait pas peur.

-       Et si tu perds, qu'est-ce que tu me donnes ?

-       Ma bagnole.

Une Range Rover. Collura voyait l'affaire gagnée. Il éclata de rire et cria :

-       Samba, apporte du papier et un stylo.

Le chef de chantier, qui s'appelait Christophe, se leva furieux.

-       Tu n'as pas assez de ma parole ?

-       Non.

-       Tu es si sûr de gagner ?

-       Oui.

-       Bon, alors je signe, tu verras.

-       Je verrai. "Le lundi 6 août 2001, entre Gabriel Collura et Christophe…". C'est quoi ton nom ?

-       Bertaud

-       "et Christophe Bertaud, il a été arrêté et convenu ce qui suit : M. Bertaud s'engage à remettre le titre de propriété de son véhicule Range Rover…" Samba, va noter l'immatriculation du Range de Christophe! "immatriculé ……., à M. Gabriel Collura s'il n'a pas apporté la preuve que Mademoiselle Claire Alliot l'a autorisé à introduire son bangala et lui a permis de se livrer à toutes autres privautés que s'accordent les amants, et ce, avant la date du 21 août 2001 avant minuit. A l'inverse si une telle preuve était apportée, M. Collura s'engage à remettre à M. Bertaud le titre de propriété de son bateau Antarès immatriculé RU 1098. Fait à M'Bour en deux exemplaires devant MM. Jean Radigois et Georges Pierron qui signent en qualité de témoins".

-       T'as été notaire ou quoi ?

-       C'est pas ton problème, tu paries toujours ?

-       Ben oui.

-       Alors signe. Samba, le numéro !

Samba lui donna un papier sur lequel il avait noté l'immatriculation du Range Rover. Collura compléta son contrat et le tourna vers Bertaud.

-       Alors tu signes ou merde ?

-       Toi d'abord.

-       Sans problème, voilà.

-       OK. Je signe.

-       Jean et Georges, venez signer.

Les deux finirent par se lever, à moitié rigolards, à moitié gênés. Ils s'approchèrent du bar et signèrent tour à tour.

Quelqu'un avait affiché une pancarte sur l'un des arbres de la place, où l'on pouvait lire : "Ici jouissent les bienheureux baobabs." Il fallait passer un pont pour entrer dans le village de Fadiouth, un pont de bois juste assez solide pour la circulation des charrettes. L'île, constituée d'un amas de coquillages accumulés au fil du temps, émergeait à peine de la mangrove. Les pêcheurs exposaient leurs prises dans des paniers tressés, ils restaient accroupis à l'ombre des baobabs et mâchaient des noix de cola, pendant que les femmes s'occupaient de la vente.

Dans la moiteur de l'hivernage les odeurs semblaient plus épaisses, celles de la pêche se mêlaient aux relents d'un canal d'égout à ciel ouvert. Les femmes éventaient le poisson pour éloigner les mouches. Quelques gosses couraient après la jante d'une roue de bicyclette qu'ils poussaient avec un bâton, d'autres avaient dessiné une marelle et sautaient en chantant des comptines. On entendait les voix des écoliers, derrière une palissade, qui psalmodiaient l'abécédaire.

Le village voisin, Joal, s'enorgueillissait  d'avoir vu naître le président Senghor. Cette région du Sénégal, peuplée principalement de Sérères catholiques, avait résisté à l'Islam. Sous les palétuviers où des enfants récoltaient des huîtres, des cochons noirs s'ébattaient dans l'eau.

C'était un va et vient permanent entre la place et le pont. L'un jetait une seine, d'autres amarraient un bateau, un groupe de femmes remplissait à la fontaine des seaux d'eau, qu'elles disposaient sur leur tête avant de revenir lentement vers le village. Plusieurs portaient un enfant dans le dos, maintenu dans un pli de leur boubou. Les cris fusaient, comme les rires, et le bruit de disputes ou de discussions animées couvrait parfois la voix d'un chanteur qui s'accompagnait à la cora.

Parmi les étals on pouvait deviner quelques bébés requins et de petits dauphins qui s'étaient égarés dans les filets, mais surtout des thiofs, des daurades, des bonites, qui composeraient ce soir le tiep bou dien, le riz au poisson, dans presque toutes les concessions de l'île.

Marie Diouf ouvrit la porte du dispensaire devant laquelle patientait un petit groupe. Elle connaissait tout le monde et saluait chacun de bon cœur. Les échanges se faisaient la plupart du temps en wolof, qui est la langue vernaculaire du Sénégal. Avec les vieux paysans les salutations n'en finissaient pas :

-       Fall, comment ça va ?

-       Je vais bien  Diouf !

-       Comment va ta famille ?

-       Ca va.

-       Personne n'est malade ?

-       Dieu merci.

-       Comment va ton père ?

-       Il est là grâce à Dieu.

-       Et ta mère ?

-       Elle est là grâce à Dieu ….

Toute la famille devait y passer, puis les champs, le bétail, et les questions s'inversaient à l'adresse de Marie. Abréger eut constitué un manque de respect, une familiarité qu'elle ne se permettait qu'avec les gens de sa classe d'âge, ou ceux qu'elle rencontrait plusieurs fois dans la semaine. Depuis quelque temps les questions relatives au bétail provoquaient souvent des réponses éplorées. La plupart des habitants du Sine Saloum élevaient des cochons, soit pour les vendre, soit pour leur consommation familiale. Depuis trois semaines que durait l’épidémie, toutes les familles de Fadiouth et des alentours, à peu d’exceptions près, avaient subi des pertes.

Marie n'avait pas eu le loisir de terminer ses études de médecine. Elle avait bifurqué, et était sortie major de l'école d'infirmières de Dakar et, à peine âgée de trente ans, assumait la responsabilité d'un dispensaire où il lui était souvent demandé d'effectuer des opérations de petite chirurgie, d'obstétrique, et de pratiquer en fait un art plus proche de celui du médecin, depuis le diagnostic jusqu'à la prescription ou l'intervention, que des techniques souvent subalternes de l'infirmière. Le rituel des salutations lui apparaissait bien souvent comme une perte de temps, du temps volé à son travail. Toutefois elle imaginait mal ce que pourrait être la vie si le temps de l'accueil devait être sacrifié au bénéfice de l'efficacité. Elle pensait même que son efficacité serait moindre au bout du compte si elle avait à couper court aux salamalecs.

Elle fit entrer le premier patient de l'après-midi.

Vers quinze heures Marie transpirait beaucoup. La ventilation du bâtiment par des claustras situés sous les pentes du toit ne permettait pas autre chose qu'une faible circulation d'air. Elle terminait la confection d'un plâtre sur le fémur d'un jeune garçon, et des gouttes de sueur se mêlaient aux bandages qu'elle posait.

On frappa à la porte d'entrée. Christiane Diouf, sa nièce, annonça :

-       Malik Diop est ici, avec la toubab.

-       Fais-les entrer.

Claire s'avança, suivie du garçon que Marie connaissait bien. Ils souriaient tous les deux.

-       Bonjour

-       Bonjour mademoiselle.

-       Jamm ngaam Diouf ?

-       Jamm rekk Diop. Laissez-moi quelques minutes pour consolider la patte de ce berger. Ca va ? Tu ne souffres pas trop ?

Le garçon remua la tête, plus pour manifester son endurance au mal que son approbation.

-       Bien. Prenez des Coca dans le frigo. J'ai presque fini.

Elle était assise près du blessé, de telle sorte qu'elle pouvait glisser la bande sous sa cuisse par tours successifs, sans trop serrer, ni faire de plis.

-       Qu'est ce qui t'amène Diop ?

-       Nous sommes chargés de contrôler l'épizootie de fièvre porcine. Mademoiselle Alliot est détachée par l'ORSTOM

-       Et tu crois que je soigne aussi les cochons ?

-       Ca, tu dois bien en avoir quelques-uns dans ta clientèle. Non, on vient te voir parce que tu as forcément observé cette maladie avec un regard de clinicien mieux que quiconque ici. Nous sommes très soucieux de connaître ton avis et d'obtenir ta collaboration.

-       Bien, ne bouge pas, on te conduira chez toi sur un brancard. Diop tu m'ouvres un coke ?

Elle se dirigea vers le lavabo, où elle se lava les mains, puis le visage, et sans manière les aisselles. Elle s'essuya en rejoignant le couple. C'est à cet instant là qu'elle remarqua vraiment Claire, qu'elle perçut la force et la douceur de son regard. Elles se regardèrent droit dans les yeux pendant plusieurs secondes, avec une curiosité bienveillante.

Marie prit la boite que lui tendait Malik, en arracha la capsule tout en s'asseyant.

-       On a de la chance aujourd'hui, le vent vient de la mer, ça ne pue pas trop.

-       Combien de bêtes sont mortes ?

C'est Claire qui posait la question.

-       Presque deux cents. On a trouvé le premier mâle dans la matinée du quatorze juillet, il y a donc exactement vingt jours aujourd’hui. Depuis, le nombre des cadavres augmente chaque jour, et ce sont toujours des mâles.

-       Que faites vous des cadavres ?

-       Au début on les entassait dans un charnier, mais comme les charognards ne font pas place nette assez vite, on brûle les carcasses. Vous sentez l’odeur des chairs calcinées, elle n'est pas plus agréable que celle de la pourriture.

-       Pourquoi ne creusez-vous pas des fosses ?

-       Nous y avons pensé, mais l'eau est à trois mètres et ça risquerait de polluer la nappe phréatique.

-       Et l'immersion ?

-       Dans la mer ?

-       Pourquoi pas ?

-       Assez loin de la côte alors. Qu'est ce qu'ils font à Dakar ?

-       Comme ici, on utilise l'usine d'incinération ; des fosses ont été créées dans les dunes ; et les pêcheurs commencent à charger des cadavres qu'ils lestent avant de les jeter à l'eau à quatre ou cinq miles du rivage.

La mission de Claire comportait trois volets. Elle devait  rechercher tous les éléments qualitatifs de l'évolution de la maladie chez les porcs, enregistrer les données quantitatives de l'épizootie, et faire en sorte que toutes les mesures nécessaires pour limiter les dégâts soient prises aussi vite que possible. En relation avec la cellule créée à Dakar dès que fut appréciée l'ampleur de la maladie, elle avait en charge d'assurer la coordination des intervenants de toutes origines dans la région du Sine Saloum. Malik Diop, placé sous la direction du préfet, devait lui assurer la coopération des autorités régionales et locales. Pour recevoir les protocoles de recherche et de recensement et, à l'inverse, de manière à transmettre les données collectées, son équipement consistait en tout et pour tout, outre sa voiture, en un ordinateur portable et un téléphone cellulaire. Claire avait établi un questionnaire type devant être utilisé comme document de base par toutes les équipes de l’ORSTOM affectées au projet. Ce formulaire serait à coup sûr modifié en fonction de l’évolution de l’étude. Il convenait d’organiser la collecte de l'information afin qu'elle puisse être intégrée dans des banques de données communes, et en permette un traitement aussi pertinent que possible.

Claire présenta son schéma d'intervention à Marie, en lui expliquant l'aide qu'elle attendait d'elle.

Les malades attendaient devant l'infirmerie, sans manifester un quelconque signe d'impatience. Plusieurs se frottaient vigoureusement les dents avec un bâton, et crachotaient de temps à autre une brindille. Certains s'éventaient, d'autres jouaient aux dames ou à l'awalé. Tous avaient recherché l'abri d'un grand fromager qui dispensait son ombre sur une bonne partie de la place. En face, de l'autre côté de la place, se trouvait l'épicerie tenue par un "nar" Nouakchott, un Mauritanien, qui vendait des cigarettes à l'unité, des allumettes, du sucre en pains, du mil, des boissons, de l'huile, du riz et toutes sortes d'épices, un peu d'outillage, des pétards, de l'alcool à brûler, en fait toutes les marchandises d'usage quotidien. Sur un petit fourneau malgache posé par terre, il maintenait en permanence une théière où infusait le thé à la menthe.

Malik et Claire prirent congé après avoir informé l'infirmière qu'une réunion se tiendrait le jeudi suivant à Thiès en présence de tous les professionnels sanitaires et administratifs concernés de la région. Ils ne disposaient que de quarante-huit heures pour prendre contact avec tous ceux qui résidaient dans leur zone d'action. La liste des participants avait été établie par la direction de la mission à Dakar, et des convocations arriveraient le lendemain à l'adresse de chaque personne concernée. Claire et Malik préféraient toutefois rencontrer en tête-à-tête chacun d’entre  ceux avec lesquels ils allaient devoir travailler au cours des prochains mois.

Chaque chef de village, chaque maire, chaque médecin, infirmier, ou vétérinaire, devait recevoir leur visite avant la réunion officielle du jeudi. Malik les connaissait tous. Il était environ seize heures lorsqu'ils montèrent dans le Toyota afin de commencer leur tournée.

-       Malik, elle est extra cette fille.

-       C’est bien pour ça que je vous ai emmené la voir. Si elle était née ailleurs, dans un autre milieu, je veux dire si sa famille avait pu financer ses études, elle aurait eu l’envergure d’un ministre.

-       Comment l’avez vous connue ?

-       A Dakar. Nous avons des amis communs. Et depuis que je suis en poste à Kaolak je viens la saluer dès que j’ai affaire par ici.

-       Elle est ravissante.

Malik rit du sous-entendu.

-       Pourtant on ne lui connaît pas de fiancé. Mais c’est vrai qu’elle ne manque pas de soupirants.

-       Et vous Malik, vous êtes marié ?

-       Oh là là ! J’ai tout le temps devant moi. Vous savez les familles africaines c’est lourd, je n’ai pas envie de me laisser piéger de sitôt.

-       Pourquoi piéger, vous pouvez choisir non ?

-       Oui, mais je suis sans doute devenu un peu toubab en vivant à Paris. Ici on épouse toute la famille, et si on a un job on la supporte financièrement, on est tout le temps sollicité. La petite famille père mère et leurs enfants, ça n’existe pas.

-       Et c’est ça que vous souhaiteriez ?

-       Pour l’instant je n’y pense pas. Et vous, vous avez envie de fonder une famille ?

-       On pourrait se tutoyer non ?

-       Si vous, si tu veux.

-       Moi, fonder une famille ? Je suis un peu trop tête brûlée je crois. Enfin tous ceux que je connais pensent ça de moi. Il y en a très peu qui ont trouvé normal que je vienne travailler à Dakar toute seule. Je passe pour une dingo. Je sais bien que c’est faux mais j’ai trop envie de vivre pour m’attacher une famille à la cheville.

-       On est dans le même cas alors.

-       J’en ai bien l’impression.

Malik se sentait tout drôle. Depuis la fin de ses études, les seules filles blanches qu’il avait l’occasion de voir passaient leur temps à bronzer sur les plages. Il évitait la fréquentation en tête-à-tête de ses anciennes amies sénégalaises dont le souci majeur était de mettre la main sur un borom ou un futur borom, en tout cas sur un garçon qui puisse leur assurer la matérielle. Les filles comme Marie n’étaient pas monnaie courante, et Marie l’impressionnait un peu. Il n’avait jamais osé la considérer comme une partenaire potentielle.

Lorsque au dispensaire il avait vu Claire et Marie côte à côte, il lui était venu l’idée saugrenue qu’elles étaient comme deux sœurs. Claire était la première fille avec laquelle il ait à parcourir la brousse, une fille libre, une fille blanche de surcroît, et qui manifestement le traitait sans l’ombre de condescendance ou prévention d’aucune sorte. Il se sentait tout drôle et se prenait à rêver.

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moi je ss un jeune homme et je recharceh un traiveille
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