Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
xxpower
27 février 2007

xx power 2

Le lundi  6 août 2001 l'indice ATMO qui mesurait à Paris la pureté de l'air ambiant atteignait un niveau d'impureté record. Une masse d'air chaud mettait la capitale sous cloche. Pas un souffle ne permettait d'évacuer la pollution. Le ciel était pourtant limpide. Les terrasses des cafés envahissaient les trottoirs et les placettes. Un air de vacances flottait sur les rues où les touristes arboraient des tenues très légères. Il était pourtant préférable, et les radios l'avaient seriné toute la matinée, de ne pas promener les enfants en bas âge. On recommandait également aux insuffisants respiratoires et aux vieillards de rester chez eux.

La famille Garnier terminait ses préparatifs de départ en vacances. Françoise s'était rendue au ministère afin de donner au bureau ses dernières instructions concernant les affaires en cours. Les fenêtres sur l'esplanade étaient ouvertes et le soleil rentrait à flots dans l'appartement. Les jumeaux allaient avoir quatorze ans. Julie avait l'habitude de soutenir qu'elle était l'aînée, ce que n'acceptait pas Louis. La plus grande maturité de Julie ne faisait toutefois aucun doute, elle était petite femme et Louis ado boutonneux. Pour l'instant la dispute avait un autre objet. Tous les deux voulaient s'attribuer le dernier sorbet au citron qui restait dans le réfrigérateur, et les arguments de l'un ne parvenaient jamais à convaincre l'autre. La joute verbale faisait grand bruit.

-         Quoi ? Et pourquoi ça ?

Etienne s'était emparé du téléphone à la première sonnerie.

-         Dis plutôt que tu te crois irremplaçable.

-         Non, je trouve curieux que personne ne puisse traiter ce dossier en ton absence, quitte à te tenir informée pendant tes vacances.

-         Si c'est le ministre, alors ! Tu rentres quand ?

-         Ok, à tout à l'heure.

Il reposa le combiné l'air un peu désemparé, fixa le vide un moment, puis cria :

-         Taisez-vous les enfants !

La coupole dorée brillait au bout de l'esplanade. Comme leur père se levait, les enfants se turent, étonnés de sentir chez lui une violence inaccoutumée. Il était grand, son pantalon de toile et son blazer ne faisaient pas un pli, la coupe de ses cheveux châtain clair était parfaite, sportive, élégante. Il était pieds nus dans des mocassins de bonne facture. Il éprouvait un sentiment de déception plus vif qu'il eut fallu pour rester dans le registre du bon ton. Il reprit le téléphone:

-         Allô ! Mère ? Oui, je suis désolé nous n'arriverons pas à l'heure pour le dîner.

-         

-         Non, Françoise a un contre temps, elle doit rester à Paris. Nous l'attendons avant de prendre la route, mais nous arriverons certainement tard dans la nuit.

Il y eut un silence, puis Etienne repris :

-         Bien, à demain. Je vous embrasse.

Etienne dirigeait le service "fusions acquisitions" d'une grande banque d'affaires européenne. Françoise, après un doctorat en médecine et un doctorat de biologie, avait intégré un laboratoire du CNRS avant d'être appelée en tant que conseiller scientifique auprès du ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche. Depuis la nomination du nouveau gouvernement au printemps elle avait été nommée sous-secrétaire d’État à la recherche. Loin d'être une sinécure, ce poste mobilisait toute son énergie, et occupait son temps bien au-delà des horaires de travail habituellement en vigueur dans la fonction publique. Mais Françoise savait bien qu’en acceptant un poste dans le gouvernement, elle acceptait une sorte  de mission, elle entrait en politique comme on entre en religion.

Le principe dit "de précaution" prévalait largement en Europe, comme en Amérique du Nord, où les gouvernements avaient été échaudés par leur incurie dans les années 80 et 90, lors de l'apparition du HIV et de l'ESB. La notion de responsabilité avait subi au cours des trente dernières années une sérieuse extension. Que soient en cause des personnes physiques, des personnes morales ou les représentants mandatés du peuple comme de l'administration, la responsabilité personnelle de chacun était désormais recherchée dès qu'apparaissait un dysfonctionnement à l'origine d'un quelconque trouble apporté à la vie des citoyens. Ce qui eut été considéré comme fatalité, imprévisible, "act of god", jusque dans les années 70, devait désormais être imputé au débit de tel ou tel « responsable ». La fatalité voyait son domaine rétrécir.

Les affaires du sang contaminé, et de la maladie de la vache folle avaient laissé des traces.

L’IRD et le ministère de la coopération avaient transmis des notes d'information à tous les services en charge de l'agriculture, de la santé et de la recherche en France, dès l'apparition des premiers cas de contamination porcine au Sénégal. Les premiers foyers décelés en Gambie, au Mali, en Guinée Conakry et en Guinée Bissau, au Burkina Fasso, à la fin du mois de juillet renforcèrent les instructions de veille active. La maladie épargnait partout les truies. Une cellule de crise fut mise sur pied. Les actions entreprises concernaient la mise à disposition de budgets spéciaux, l'organisation de la collecte et du traitement des informations, la constitution de noyaux multilatéraux de coordination. Françoise était en charge du dossier pour son ministère, mais rien ne lui laissait penser que l'évolution des choses doive la contraindre à reporter ses vacances.

C'est le rapport de l'inspection vétérinaire des Côtes d'Armor, parvenu sur son bureau le matin même, qui devait la conduire à modifier ses projets. Un élevage porcin de Plouaret avait enregistré les premiers cas de la maladie en Europe. Cinq porcs, mâles, sur les cinq cent trente têtes que comportait l'exploitation étaient morts la veille. Les services vétérinaires de Guingamp avaient effectué des prélèvements des divers tissus, après autopsie des animaux et interrogatoire de l'exploitant. Il avait été décidé d'incinérer les carcasses et d'isoler le troupeau.

La journée se passa en allées et venues entre les ministères, communications téléphoniques, fax, notes de service. L'Europe devait être informée, les commissions ad hoc mises en place, le gouvernement devait arrêter sa politique, et les services de communication devaient être briefés de manière à ce que tous les services concernés s'expriment d'une même voix.

Françoise ne put quitter son bureau avant huit heures et ne disposait que de très peu de temps pour repasser chez elle avant une réunion programmée pour vingt et une heures trente.

L'encéphalite spongiforme bovine sévissait encore par apparitions isolées. La psychose que cette épizootie avait déclenchée, conduisant à un embargo des productions bovines de Grande Bretagne et provoquant la destruction de nombreux troupeaux, risquait de se reproduire à une plus grande échelle. L'ESB avait été causée par un prion qu'on avait pu isoler, elle avait été transportée par un vecteur qu'on avait su rapidement définir : les farines à base de déchets animaux utilisées pour engraisser le cheptel bovin. Dans le cas présent de la maladie des porcs, dont l'apparition datait en Afrique de quelques semaines seulement, ni l'agent contaminateur, ni les vecteurs de contamination n'étaient connus. De surcroît l'extension rapide de la maladie en Afrique de l'Ouest n'était pas de bon augure, pas plus que l'apparition en Europe d'un nouveau foyer aussi éloigné des premiers.

Elle descendit du taxi devant l'entrée de son immeuble. Louis et Julie qui guettaient sur le balcon crièrent "maman" pour l'accueillir. Julie était sa copie conforme. Cheveux bruns coupés en cloche, les yeux bleu pâle, l'ovale du visage aiguisé par un nez busqué, les lèvres charnues et remontant en sourire sous de petites fossettes. L'ensemble donnait une impression de volonté, de gaîté et d'énergie.

-         Hello mes chéris !

-         Maman tu ne viens pas en vacances ?

-         Un instant, je monte et on en parle.

Les trois personnes qu'elle chérissait le plus l'attendaient dans l'encadrement de la porte lorsqu'elle sortit de l'ascenseur. Etienne, un peu en retrait toutefois, l'expression boudeuse, ne put s'empêcher de la trouver splendide. Une chemise blanche et un tailleur léger au dessin flou, en lin grège, mettaient en valeur son teint mat.

-         Chiquitos !

-         Maman, pourquoi tu ne viens pas avec nous ?

-         Mes petits, ça m'ennuie beaucoup de ne pas vous accompagner. Mais je ne peux pas, il y a une nouvelle maladie qui s’attaque aux cochons. Elle commence à faire du dégât et c'est mon travail d'essayer de l'arrêter.

-         Tu vas distribuer les réserves de médicaments de l’État ?

-         Non, je vais faire travailler ensemble tous les gens qui peuvent trouver des médicaments, car ils n’existent pas encore. Je vais également aider les éleveurs à protéger leurs animaux, expliquer ce qu'il faut faire ou ne pas faire. Allez, entrez.

-         Françoise, qu'est ce que c'est que cette histoire ?

Tout en se dirigeant vers la salle de bain, et pendant qu'elle prenait sa douche, Françoise fit à Etienne l'historique des évènements.

-         J'espère que je pourrai vous rejoindre pendant les week-end, tout dépendra de l'évolution de l'épizootie. Si les causes de la maladie tardent à être trouvées, on peut avoir une sacrée crise sur les bras.

-         Je suis très déçu pour nos vacances, fais tout ce que tu peux pour refiler le bébé à quelqu'un d'autre.

-         Ne compte pas sur moi pour me défiler, même si moi aussi je regrette énormément de ne pas partir en Bretagne avec vous. On m'a confié un rôle de coordination que je ne "refilerai" à personne. C'est le job le plus important que j'aie jamais eu.

-         Bien, tiens-moi au courant, si tu veux bien.

Etienne sortit de la salle de bain et dit aux enfants d'aller saluer leur mère. Il partit sans avoir prononcé un mot de plus.

Au cours de la réunion interministérielle du soir à laquelle Françoise participait, il fut décidé d'incinérer la totalité des troupeaux dont l'un des membres présenterait les signes de la maladie. Toute mesure d'isolement comportant des risques, la destruction pure et simple des animaux ayant été en contact avec la maladie permettait de les éviter.

Le gouvernement ouvrit un budget pour  l'indemnisation des éleveurs sur la base de leur réelle perte d'exploitation, ce afin de favoriser les déclarations spontanées des nouveaux cas.

Les biologistes qui avaient eu à étudier les prélèvements effectués par l'ORSTOM au Sénégal dressèrent un tableau sinistre de l'avancement de leurs études. On ne savait rien, absolument rien, de l'agent contaminant. Il ne provoquait aucune défense immunitaire décelable, on n'avait pu isoler aucun anticorps spécifique, les informations récoltées ne permettaient même pas de définir le cursus de la maladie, ni même d'élaborer des hypothèses sur la ou les portes d'entrée de l'agent pathogène. Même les formes de la maladie n'avaient pu être classées selon une typologie claire, on savait seulement que la mort constituait sa seule issue. Son développement semblait polymorphe, les symptômes affectant des formes très diverses. Seuls les mâles étaient atteints.

Dans tous les cas on avait constaté la nécrose de certains tissus. Les formes cliniques de la maladie dépendaient de la nature des tissus nécrosés. Tous les tissus étaient susceptibles d'être concernés. La mort de l'animal survenait lorsque l’un de ses organes vitaux était atteint, dont les cellules immédiatement se délitaient. Rien ne permettait d'ordonner l'apparition des signes de la maladie. Tous les troubles du comportement de l'animal pouvaient en évoquer l’une des formes, leur extension, et l'absence constante de fièvre constituant les seuls éléments disponibles pour le diagnostic.

Le ministère de la Recherche fut officiellement chargé, sous l'autorité d'une commission interministérielle, de coordonner l'action des administrations et des organismes étatiques et para-étatiques agissant tant en France qu'à l'étranger dont les services pourraient être requis. Françoise Garnier fut nommée déléguée générale de la commission.

Un communiqué fut adressé aux agences de presse, dont la plupart des journaux reprirent la teneur en cinquième page des éditions du lendemain. L'information fit la une du Télégramme de Brest et de l'Echo de Lannion, la presse nationale n'en tira pas un seul gros titre. Peut-être cette absence d'intérêt venait-elle du faible nombre de porcs concernés en France, peut-être s'expliquait-elle par les langueurs habituelles de la presse au mois d'août. Le Monde, dans son édition du mardi soir, accordait toutefois un article en première page à la maladie des porcs. Le correspondant au Sénégal dressait le tableau du développement de la maladie en Afrique de l'Ouest, en faisant l'inventaire des mesures prises par les État s et les organismes internationaux. Le ton du papier était alarmiste. L'information ne fut ni enrichie, ni même relayée les jours suivants, ni par la radio, ni par les télévisions. Quelques sites Internet, celui de la Fédération Européenne des Elevages de Porcs, celui de l'entreprise Sanders, aliments pour le bétail, tentèrent de présenter une version dédramatisée du problème ; quelques pages personnelles collectèrent des témoignages, des photographies, et même des interviews vidéo des paysans africains accablés.

La réaction d’Etienne avait blessée Françoise par sa mesquinerie. En quinze ans de mariage leurs différences s’étaient affirmées, leurs goûts, leurs intérêts, avaient divergé. Ce qui les avait réuni s’amenuisait. Françoise tentait de retenir ses bouffées de mépris, Etienne ne comprenait pas pourquoi les choses ne suivaient pas la voie qu’il leur estimait normale de suivre. Il vivait l’éloignement physique de sa femme comme une preuve supplémentaire de la distance qu’elle avait créée entre eux. Françoise était forcément responsable puisqu’il n’avait pas changé. L’un comme l’autre s’étaient trompés en voulant voir en l’autre non pas ce qu’il était mais ce qu’ils rêvaient qu’ils soit.

Françoise aimait l’aventure des situations nouvelles, la passion qu’on peut vivre en se livrant à l’action, et c’est ce qui l’avait conduit à s’occuper de recherche, puis de politique. Etienne aimait les choses établies, les situations stables, l’organisation rassurante des emplois du temps immuables. Il aimait une Françoise qui avait disparu et dont il ne comprenait pas comment elle avait pu changer autant. Françoise se demandait ce qu’elle avait bien pu aimer assez chez Etienne pour envisager de passer toute sa vie avec lui. Mais au fond d’elle-même elle savait bien qu’en l’épousant elle avait seulement choisi de faire l’économie d’un avortement. Les autres raisons n’étaient que justifications. Il était « intelligent », il était beau, depuis six mois qu’ils se connaissaient ils n’arrêtaient pas de faire l’amour, tous leurs amis les trouvaient assortis. Mais qu’est-ce que l’élégance d’un couple a comme rapport avec sa durée de vie ? Françoise souffrait de savoir qu’Etienne ne serait jamais l’homme avec lequel elle souhaiterait finir sa vie. Elle souffrait d’autant plus qu’Etienne aurait beaucoup de difficulté à envisager, le jour venu, qu’elle le quitte. Depuis plusieurs mois elle savait que le jour viendrait où elle devrait s’y résoudre. Dès que les enfants seraient sortis du lycée, dès que possible.

Mercredi dans la matinée, Françoise réunit l'équipe restreinte qu'elle avait composée pour exercer la mission qui lui incombait. Ce staff comprenait cinq jeunes hauts fonctionnaires, leurs assistants et quelques secrétaires. Chacun prenait en charge les relations avec un groupe d’administrations géographiquement définies, françaises, européennes, internationales, ou se voyait attribué des tâches spécifiques, communication, gestion et intendance. Tous devaient travailler de conserve, deux réunions ordinaires étant prévues chaque jour entre tous les membres de l'équipe.

Il ressortit du premier tour de table que l'urgence voulait qu’on se rende sur les lieux de l'épizootie en Afrique afin de cerner la pertinence des mesures qui avaient été prises et de collecter toute l'information possible. Françoise décida de partir le soir même.

L'avion devait atterrir à l'aéroport de Dakar Yoff vers vingt-deux heures. Elle voyageait en compagnie du responsable des relations avec les administrations internationales. La FAO intervenait depuis le début, mandatée par l’État  sénégalais. Luc Prémion appartenait au ministère de la Coopération et avait été en poste aux Nations Unies. C'était en partie pour cette expérience que Françoise avait fait appel à lui, mais surtout pour ce que son air narquois et détaché lui laissait deviner de sa personnalité. Le choix des hommes était de ses prérogatives, le pouvoir donne de ces latitudes-là, choisir un homme.

-         Merde ! Oh ! Pardon.

-         Je vous en prie.

-         J'ai oublié de prévenir ma famille de mon départ.

-         Vous pourrez téléphoner à l'arrivée, nous serons dans moins de cinq heures à Dakar. Votre mari ne se trouve pas à Paris en ce moment ?

-         Nous passons nos vacances dans sa famille en Bretagne, près de Tréguier. Il est parti hier avec les enfants.

-         Tréguier, ça n'est pas loin de Guingamp, n'est ce pas ? Il se trouve à une encablure de nos porcs.

-         Joli ! Vous connaissez ?

-         Comme tous les voileux, les ports : Trebeurden, Perros, Paimpol. Vous c'est la première fois que vous allez débarquer en Afrique, non ?

-         En Afrique noire, oui.

-         Tant mieux, je serai votre mentor. L'hivernage c'est la meilleure période pour découvrir le Sénégal. La pluie, la boue, la chaleur, les puanteurs, tout est plus fort.

-         Les miasmes et les fièvres aussi j'espère ?

-         Evidemment, vous connaissez l'objet de la ballade, hein?

Ils rirent de partager ce faux cynisme de carabins pendant que l'hôtesse leur tendait des plateaux repas. Madame Garnier, voulez-vous….

-         Appelez-moi Françoise, Luc, s'il vous plait.

-         Très bien, Françoise, voulez-vous me donner votre sentiment profond sur cette épizootie ?

Françoise garda un instant le silence. Elle n'éprouvait aucune réticence à exprimer ce qu'elle pensait, mais se demandait si elle avait réellement un sentiment profond.

-         C'est un phénomène inconnu, rapide, dangereux. On sait que seuls les mâles sont atteints, ce qui signifie soit que les femelles produisent quelque chose, une hormone par exemple, qui rend inefficace l'agent pathogène, soit que les mâles produisent quelque chose qui l'active, soit que l'agent pathogène a un lien direct avec le génome. La maladie se propage à une vitesse inaccoutumée, plus rapide que la grippe asiatique, et bien plus rapide que la plupart des épizooties courantes. La proportion de la population porcine touchée semble très élevée. J'ai l'impression d'avoir affaire à un ennemi invisible et imprévisible. A vrai dire mon sentiment profond, c'est la peur, y compris celle de ne pas faire le poids.

-         Je partage vos craintes. C'est du jamais vu, et ça n'est qu'un début. On voit mal ce qui pourrait limiter l'expansion d'un facteur qu'on n'a même pas isolé. Je ressens aussi l'excitation du découvreur, nous sommes en première ligne d'une terra incognita, ce qui me fait frissonner plus, pour l'heure, de plaisir que d'angoisse.

-         Bravo, brave soldat. Reste à savoir si nous allons découvrir ou nous faire submerger.

-         Banzaï !

Lorsque le DC 10 d'Air France, atterrit à Yoff, et qu'on ouvrit les portes, une chaleur moite envahit l'appareil, portant des parfums que Françoise ne sut pas reconnaître. Ils marchèrent sur le tarmac jusqu'au hall d'arrivée, la chaleur, malgré l'heure tardive, envahissait leurs poumons, le degré d'humidité dépassait les quatre-vingt-dix pour cent. Un chauffeur de l'ORSTOM les guettait près du guichet de la police des frontières, en levant très haut un panonceau portant leurs noms. Les formalités furent accélérées grâce aux relations fréquentes du chauffeur avec les douaniers. Comme ils n'avaient pas de bagages en soute il ne fallut pas plus de dix minutes pour que la voiture file sur l'autoroute.

La nuit ne leur permit pas d'observer le paysage. C'est aux abords de l'avenue Lamine Gueye que la ville commença de s'animer. Certaines échoppes étaient encore ouvertes, les "bana-bana" occupaient le trottoir où des groupes papotaient assis sur des chaises, des caisses ou des bancs, fumant ou buvant le thé, à la lumière de lampes tempêtes ou à la lueur des fourneaux malgaches. Les radiocassettes rutilants vomissaient des musiques mélangées. Les garçons et les filles se promenaient main dans la main. Comme elle l'avait déjà vu faire au Maroc, Françoise observa que des garçons marchaient souvent deux par deux en se tenant aussi par la main. Certains étaient vêtus à l'occidentale, un grand nombre arborait des boubous décorés de motifs colorés ou de photos imprimées.

Leur chauffeur les conduisit à l'hôtel Le Lagon II, sur la petite corniche, où des chambres leur avaient été réservées. Ils décidèrent de se retrouver un peu plus tard pour souper sur le ponton du Lagon I où se tenait, sur l'eau, le restaurant de prédilection des français à Dakar.

Publicité
Publicité
Commentaires
xxpower
Publicité
Publicité